La COP 27 et la dette climatique, une question de justice ?

par | Nov 2, 2022 | Développement durable, Ecologie, Energie renouvelable | 0 commentaires

Quelqu’un a-t-il déjà fait le calcul de l’empreinte carbone des grandes conférences internationales ?

Du 6 au 18 novembre 2022 se tient la COP 27 (Conference of Parties) en Egypte, à Charm el Cheikh, populaire station balnéaire des bords de la mer rouge, au confluent du golfe d’Aqaba. C’est dans ce symbole du développement non durable : plus de 300 complexes hôteliers, dont certains ont la capacité d’accueillir 3500 personnes en même temps, alignés sur des dizaines de kilomètres de plage de cette zone désertique, que vont se tenir les discussions.

L’organisation de ce genre d’événement international exige une localisation permettant de loger des milliers de participants et de participantes, de disposer de multiples salles de conférences et de réunion. Les mauvaises langues murmurent également qu’un état méfiant, voulant éviter des manifestations pouvant dégénérer, y voit un moyen efficace de contrôler les allers et venues d’éventuels trouble-fête. L’endroit n’est accessible qu’en avion, et n’offre pas vraiment d’alternatives de logement à proximité. Des organisations de la société civile se sont d’ailleurs émues que les prix des hébergements pour la période de la conférence ont atteint des sommets inégalés, privant de tribune certaines d’entre elles.

Cette année marque le trentième anniversaire du sommet de la terre à Rio. En 1992, suite à ce sommet, ont été adoptés les textes qui encadrent la protection de l’environnement et du climat, la promotion de la biodiversité, la lutte contre le réchauffement climatique et la promotion du développement durable. La dernière en date de ses conférences annuelles, la COP 26, tenue à Glasgow l’an dernier, n’ayant pas marqué d’avancée notable sur la réalisation des accords de Paris, et la crise du Covid puis la guerre en Ukraine ayant impacté les économies des pays en développement, les attentes sont importantes.

Les documents de synthèse du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) et d’ONU Climat, parus en amont des discussions, alertent sur le fait que les objectifs des accords de Paris pour 2030 ne sont pas en vue. Les analyses les plus récentes montrent que la limitation à +1,5 ° est d’ores et déjà obsolète, et celle à 2° plus qu’incertaine. Il faudrait multiplier les efforts des plans actuels par des facteurs de 3 à 9 pour les réaliser. Parmi les 88 pays engagés à atteindre des émissions nettes nulles en 2050, la majorité n’a pas engagé de plans assez volontaristes d’ici 2030 pour que leur réussite soit crédible. D’aucuns sont soupçonnés d’avoir modifié leur façon de calculer leurs émissions de GES pour faire apparaître une baisse artificielle.

La conférence se tenant sur le continent africain, l’accent sera mis sur la notion de dette climatique des pays riches vis à vis des pays en développement. C’est le message renvoyé par les réunions préparatoires, notamment celle tenue par les pays du sud à Kinshasa, en septembre dernier. Rétablir la confiance entre pays riches et pays en développement, et progresser ensemble vers l’objectif de limitation du réchauffement climatique, nécessite de régler les problèmes de financement et de la dette climatique.

En effet, depuis le sommet de la Terre, et l’Accord de Paris en 2015, il est entendu que les pays en voie de développement ne peuvent porter seuls le poids des mesures de restriction d’émission de gaz à effet de serre, dont ils sont, en général, peu émetteurs. Ils en subissent pourtant plus intensément les effets, via les catastrophes engendrées par le réchauffement climatique. Parmi les 3,3 milliards de personnes particulièrement vulnérables au réchauffement climatique, la majorité vit dans des pays en voie de développement.

L’accord de Paris prévoyait que les pays les plus riches contribueraient à hauteur de cent milliards annuels, à partir de 2020, à l’adaptation aux conséquences du réchauffement climatique, ou à son atténuation dans les pays en voie de développement. Ce montant n’a pas été atteint. En 2020, les pays industrialisés ont versé 83 milliards (OCDE). Les évènements extrêmes (tempêtes, inondations, épisodes de sécheresse) se succèdent avec une fréquence accrue dans des pays dont la capacité de résilience est faible. Le budget alloué par les pays industrialisés doit permettre de renforcer les capacités des pays les plus impactés.

La dette climatique, selon les pays du sud, se compose à la fois du moins perçu par rapport aux cent milliards annuels depuis 2020, mais aussi, à la réparation des dégâts irréversibles actuels du réchauffement. Des pertes et dommages conséquents sont infligés par la montée des eaux, à des pays comme par exemple, le Bangladesh, ou l’archipel des Kiribati. Ces pays ne peuvent faire face, financièrement, à la remise en état et au renforcement de leurs infrastructures. Quels mécanismes faut-il mettre en place ? Le réseau action climat propose de créer des financements spécifiques. Réallouer des budgets destinés à l’adaptation ne ferait, selon ses porte-parole, que repousser les problèmes.

La demande de justice ne se limite pas aux financements elle concerne également les arbitrages demandés aux pays en développement, en termes d’exploitation des énergies fossiles et des forêts équatoriales.

Certaines décisions, comme celle de diminuer l’exploitation des énergies fossiles, et de laisser les réserves enfouies dans le sous-sol prônée par l’Agence Internationale de l’Energie, ne sont pas tenables pour des pays qui y voient un chemin vers plus d’indépendance économique. La pression pour le développement s’accommode mal des objectifs de neutralisation des énergies fossiles. Des pays riverains du bassin du Congo, ou d’autres pays comme le Sénégal ou la Mauritanie, dans lesquels sont découverts de nouveaux gisements de gaz ou de pétrole sont aujourd’hui peu enclins à renoncer à exploiter leurs ressources naturelles qui permettraient pourtant de sortir une partie de leur population de la pauvreté. Par ailleurs, comment de telles propositions pourraient-elles être crédibles lorsque des pays européens, privés de la fourniture de gaz russe, rouvrent de nouvelles concessions en Mer du Nord ou renoncent à fermer des mines de charbon pour pouvoir fournir des centrales dont l’arrêt était pourtant programmé?

De même la rhétorique de l’arrêt de la déforestation s’applique principalement à des pays du sud. Les forêts des bassins de l’Amazone et du Congo, « poumons écologiques du monde », peuvent-elles être déclarées ressources inexploitables pour leurs riverains ? Les mesures de protection des forêts mondiales lèsent les pays d’Afrique Centrale, le Brésil et l’Indonésie auxquels on demande, pour le bien de l’humanité, de s’interdire de transformer leurs forêts en terres cultivées … 1lors qu’ils ne sont pas parmi les plus grands émetteurs de GES, ces pays vivent comme une double peine de devoir restreindre une activité qui peut augmenter le bien-être de leurs populations et leur assurer des revenus substantiels.

Comment assurer l’équité dans les décisions prises et préserver notre planète d’un réchauffement qui en rendrait de grandes parties inhabitables ? C’est la difficile équation que vont essayer de résoudre les délégations à Charm El Cheikh. L’activiste Greta Thunberg, elle, a déjà pris sa décision de ne pas participer à un évènement qu’elle accuse de consister essentiellement à des opérations de greenwashing pour des gouvernements qui devraient plutôt agir, que se réunir.

Je les laisse méditer cette très belle phrase d’Albert Camus : « La vraie générosité envers l’avenir consiste à tout donner au présent. »

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