Qui a écrit : “Mars needs engineers, Mars needs messengers, Mars needs poets, Mars needs you” ? Allez, cherchez un peu… Non, ce n’est pas Tim Burton, réalisateur du plus beau film de martiens de tous les temps, c’est Robert Zubrin. Qui est Robert Zubrin ? Si vous le savez, vous êtes probablement un fana de la conquête spatiale, et vous avez suivi, en visioconférence ou en présentiel, la vingt-cinquième convention de la Mars Society qui se tenait du 20 au 23 octobre à l’université d’Arizona à Tempe/Phoenix.

Depuis 25 ans, un nombre croissant d’aficionados compose cette communauté ayant pour objectif, comme l’énonce Robert Zubrin, son emblématique président, de préparer l’occupation de la planète Rouge, et sa colonisation par les terriens. Pour la première fois depuis trois ans, la convention n’est pas en visio-conférence. Tous ceux qui comptent dans le domaine de l’astronomie dans le monde occidental, des agences spatiales d’Etat à Elon Musk en passant par les nouveaux entrants dans l’industrie spatiale (le New Space) se retrouvent pour échanger sur les prochaines étapes et passer à la vitesse supérieure. La crème des scientifiques, agences spatiales, entrepreneurs et passionnés va phosphorer après des plénières visionnaires et des sessions thématiques intenses dont les énoncés forment un inventaire à la Prévert, et le parfait sommaire d’un recueil de science-fiction. Je gage que qu’une majorité d’intervenant.e.s compte parmi les fans de ce genre littéraire.

Le projet est titanesque, nous en avons déjà parlé dans ce blog. De quoi parle-t-on dans ce genre de convention ? L’exercice est bien rôdé. L’éminent président de la Mars Society donne la tonalité de cette convention dans son discours d’introduction, dont l’intitulé cette année est assez explicite : « searching for life with heavy lift », et parie sur la promesse du développement du Starship le lanceur lourd d’Elon Musk dans les prochaines années. Les premières présentations reviennent sur l’état des lieux des connaissances martiennes, avec la synthèse des données récoltées par les différentes missions d’exploration de la planète rouge via les images et données transmis par les rovers Curiosity et Perseverance et le télescope Webb. Les images renvoyées par ces différents dispositifs permettent d’orienter les investigations sur l’histoire de Mars et sur les formes de vies qu’elle a pu abriter, voire qu’elle abrite peut-être encore.

Il sera, étonnamment, assez peu question de terraformation[1]. Il faut dire que cette hypothèse est encore sujette à polémique. Elle soulève les oppositions d’astronomes voulant conserver Mars comme un objet/sujet de connaissances plutôt que de la transformer trop vite en une colonie terrienne. Qu’est-ce que la terraformation[2] ? Pour les non-initiés, il s’agit d’un processus permettant de modifier les conditions physiques de Mars, à partir de diverses techniques de géo-ingénieurie en créant une atmosphère similaire à celle que nous pouvons avoir sur la terre. Elon Musk suggère des explosions thermo-nucléaires aux pôles de la planète pour libérer le CO2 se trouvant sous les glaces et initier le cycle de l’eau.

La NASA prône plutôt la création d’un champ magnétique géant, et le déploiement de miroirs géants pour défléchir les rayonnements solaires. A l’issue de ce processus inédit, si les hypothèses sont exactes, et si cela ne prend pas des millénaires, des terriens pourraient s’installer sur Mars et y vivre sans nécessiter de scaphandres et autres équipements protecteurs. Oubliée la création de bulles, et de cités autonomes sous cloche pressurisée ! L’avenir (très lointain) serait à la création d’une planète analogue à notre planète bleue, avec des mers, des terres et des continents pouvant voir pousser des plantes acclimatées…

Les interventions présentent des propositions pour ces étapes intermédiaires et quelques scénarii pour un horizon plus lointain. Les intervenants et participants à la convention, un mélange d’acteurs des secteurs public et privé de l’espace, et d’amateurs passionnés, sont tous détenteurs d’un petit bout du puzzle, ou participent à l’élaboration des possibilités de conquête et d’occupation de la planète rouge.

Dans les sessions “tech et R&D”, on propose des solutions pour trouver de l’eau, des métaux rares, produire du carburant pour propulser les vaisseaux reliant Mars à la Terre, imaginer tous les robots nécessaires à l’élaboration de la première base. A votre avis, le ciel de Mars est-il bleu ou rouge ? Une session propose de réfléchir la meilleure caméra pour trancher cette importante question. On évoque les expériences faites dans des localisations terriennes (Australie, Kerguelen, Brésil) offrant des conditions analogues aux longues explorations spatiales, pour préparer les humains au voyage sur Mars. Comment les humains envoyés pour de longues périodes exploratoires (un an pour l’aller-retour, plus le temps sur place) pourront-ils s’alimenter, s’habiller, se soigner, entretenir leur mental ? Pourront-ils produire leur propre nourriture ? Faut-il leur prévoir des chiens comme compagnons de confort pour les astronautes, si oui, animaux ou robots ? Quels robots médicaux faudra-t-il embarquer pour les missions habitées d’exploration martienne ? Pourra-t-on amener des enfants sur Mars ? Si oui, faut-il prévoir une école ?

La partie la plus amusante est sans doute celle où les finalistes du concours de robotique présentent leurs projets. Les participants étaient invités à plancher sur la création d’une flotte de robots, rovers, drones, etc. nécessaire au recueil des connaissances, puis à l’établissement de la première base humaine sur Mars. Ces robots permettront d’explorer plus finement la planète pour comprendre la vie sur Mars d’une façon plus étendue que les rovers actuels, en pouvant collaborer éventuellement les uns avec les autres. Parmi les contraintes données : la flotte doit permettre le maximum d’exploration en ne mobilisant que 10 tonnes sur les 100 tonnes annoncées de charge utile du lanceur lourd Starship, actuellement mis au point dans le chantier de Space X à Boca Chica.

D’autres sessions abordent les aspects politiques, juridiques et économiques, de l’exploration de Mars et de son éventuelle exploitation. Quel système de gouvernance faut-il prévoir pour la planète ? La future république martienne doit-elle être indépendante ou rattachée à un pouvoir terrien ? Qu’arrivera-t-il en cas de conflit entre les grandes puissances ? Cela pourrait-il avoir un impact sur les projets dans l’espace ?

On peut compter sur les américains et leur sens de l’organisation pour faire de cette convention un événement marquant et un bouillonnement technique et intellectuel. Qu’on soit pour ou contre les projets martiens, les interrogations sont passionnantes et feront avancer les connaissances, et pourquoi pas, pourront être transcrites dans des innovations utilisables sur notre bonne vieille planète, dans les environnements les plus arides. Après tout, une partie des innovations médicales dont nous bénéficions aujourd’hui, notamment en termes d’imagerie, doivent beaucoup à des techniques développées au départ pour de tout autres domaines.

Nul doute que les discussions ont été passionnées, pendant et à l’extérieur des sessions sous le ciel étoilé de l’Arizona. Il n’est pas impossible que Zubrin, un brin lyrique, y ait conclu, comme dans la préface de la nouvelle édition de son plaidoyer pour la conquête de Mars: « Le feu prométhéen a été libéré, et ce n’est que le début »


[1] https://trustmyscience.com/ex-scientifique-nasa-soutient-possible-terraformer-mars/

[2] https://www.techno-science.net/glossaire-definition/Terraformation-de-Mars.html

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