A RLDH, nous croyons dans la nécessité de développer et d’investir dans les énergies renouvelables. S’il faut créer de nouvelles formes urbaines ex-nihilo dans les déserts. Il est plus logique de les raccorder à des unités de production locales d’énergies renouvelables, qu’à de grosses centrales thermiques fonctionnant au gaz ou au fuel. Les espaces arides sont sujets aux vents desséchants et au rayonnement solaire, ce qui les rend particulièrement aptes à profiter des possibilités offertes par l’éolien et le solaire.
Dans notre précédent billet sur The Line, nous n’avons pas mentionné l’absence criante dans les rendus 3D de la façon dont cette innovation architecturale serait approvisionnée en « énergie renouvelable 100% décarbonée ». Nulle part ne figuraient les éoliennes géantes ou les champs de panneaux photovoltaïques nécessaires pour alimenter les dizaines de milliers d’escalators et d’ascenseurs du projet. Et là, « la promesse de vue imprenable sur une nature vierge et inviolée à 180 degrés » en prend un coup. Certes le soleil et le vent fournissent des énergies propres et gratuites (si l’on excepte le coût des infrastructures) mais elles posent quand même un certain nombre de questions.
Intéressons-nous aux éoliennes, puisque, coïncidence heureuse, ce jeudi 22 septembre, le premier parc d’éoliennes off-shore a été inauguré en France. Quatre-vingts éoliennes situées entre 12 et 20 kilomètres au large de Saint Nazaire, vont commencer à fournir de l’électricité d’ici la fin de l’année 2022. C’est le premier d’une série de cinquante parcs éoliens offshore autour de l’hexagone, à construire d’ici 2050. Le gouvernement prévoit en sus un aménagement de la loi pour que les procédures préalables à l’installation soient raccourcies. Il nous a paru intéressant, à cette occasion de revenir sur les avantages et les inconvénients d’un type de génération d’électricité présenté aujourd’hui comme la panacée.
Jeu de mots assumé, l’énergie éolienne, a le vent en poupe, L’AIEE parle même d’un “potentiel quasi-illimité”. La guerre en Ukraine montre le risque de dépendre de sources extérieures d’énergie. Le manque de maintenance du parc nucléaire français de ces dernières décennies fait craindre un risque de rupture d’approvisionnement en électricité au plus fort de l’hiver. Last but not least, l’énergie éolienne n’émet pas de gaz à effet de serre, responsables du réchauffement climatique.
Les médias se sont fait l’écho des critiques liées au caractère intermittent de la fourniture d’énergie de ces versions modernes des moulins : au-dessous d’une certaine intensité, la génération d’électricité est impossible. Les installations de champs d’éoliennes terrestres ont suscité des levées de boucliers de la part des riverains se plaignant de la pollution visuelle et sonore de ces silhouettes fuselées, et les propriétaires s’inquiètent en plus des effets économiques sur les prix de leurs biens immobiliers, dévalués par ces inquiétantes voisines. L’implantation de nouvelles unités terrestres devient impossible dans les régions concernées. La voie des éoliennes en mer est désormais privilégiée. Après Saint Nazaire, les parcs de Courseulles sur Mer, Fécamp, etc. sont en voie de construction. Cependant, la généralisation de parcs d’éoliennes tout au long de nos côtes ne peut-elle pas engendrer d’autres perturbations ?
L’argument esthétique est assez présent dans les médias, les propriétaires de maisons au bord de la mer ne sont pas ravis de voir leur horizon barré par leurs structures métalliques aux ailes de géant. Les actions des pêcheurs ont mis l’accent sur les craintes que ces derniers ont quant aux conséquences de l’installation de ces moulins à vent géants sur la ressource halieutique. L’un des arguments développés par Jean-Marc Jancovici, outre le problème de l’intermittence de la production, est que la surface nécessaire à couvrir par des éoliennes pour réduire significativement les émissions de gaz à effet de serre du secteur de l’énergie (hors nucléaire) est simplement intenable.
Nous voudrions nous faire l’écho de controverses moins médiatisées. Les grands champs d’éoliennes, promis comme la panacée contre le réchauffement climatique ne présentent-ils pas des inconvénients insuffisamment pris en compte ? Les difficultés du modèle énergétique allemand, grand champion européen de l’énergie renouvelable, dues à l’interruption de la fourniture de gaz russe, et la remise en route de centrales à charbon ne doivent-elles pas faire s’interroger ? L’expérience britannique ne devrait-elle pas également inciter à la circonspection ? Alors que ce pays a mis les bouchées doubles sur l’éolien off-shore, Boris Jonhson avait même prétendu vouloir faire du pays « l’Arabie Saoudite de l’éolien », l’augmentation de la capacité s’est traduite, faute de vent au printemps 2021, par une baisse de la part de l’éolien dans la production électrique du Royaume Uni.
Les énergies renouvelables sont théoriquement inépuisables, mais le sont-elles réellement ? Que se passera-t-il si les pales géantes des éoliennes (leur diamètre a crû avec les décennies) absorbent une partie du vent ? Quid des turbulences atmosphériques et du réchauffement local induit par le brassage d’un air plus chaud en haut de l’éolienne, et d’un air plus froid, en bas ? Peut-on multiplier les champs d’éoliennes ad libitum ? Est-ce une bonne idée ? Fait-on régulièrement des études observationnelles près des champs installés ? Une modification du régime des vents suite à la densification du parc éolien est-elle envisagée ? Celle-ci pourrait-elle avoir des impacts négatifs sur le climat ?
En 2018, une étude observationnelle menée par une équipe de Harvard sous la direction par Keith & Miller a soulevé que des parcs d’éoliennes texans entraînaient localement des réchauffements non négligeables de la surface terrestre. Si l’effet sur la réduction des GES est immédiat, en revanche, l’interaction avec le réchauffement local des températures de surface, notamment la nuit, est avéré. A long terme, les auteurs se demander si le réchauffement induit par le champ d’éoliennes n’est pas plus important que le réchauffement évité en utilisant ce type d’énergie. Une étude plus récente s’intéresse au réchauffement local et à l’impact sur la végétation de 319 champs d’éoliennes sur le territoire des Etats-Unis, pour quantifier leur impact sur la température de surface mesurée par satellite, et sur la végétation. La conclusion est que pour la majorité, il y a effectivement une augmentation de la température de surface, mais l’impact sur la végétation est moins concluant. Les facteurs influant sur l’impact sont la taille du champ d’éoliennes, et la distance au champ d’éoliennes.
D’autres études se sont intéressées à la baisse de la vitesse du vent, et la création de turbulences atmosphériques en aval des champs offshore et les effets composés de l’installation de ces champs sur les champs en aval. Densifier les champs d’éoliennes offshore en Mer du Nord pourrait réduire le régime des vents et faire baisser la productivité des éoliennes.
Les éoliennes produisent de l’électricité en transformant l’énergie du vent, la baisse de l’énergie dans le système ne risque-t’-elle pas, à son tour, de transformer la dynamique globale, et donc le climat ? De quelle manière ?
Si les éoliennes sont le sens de l’histoire, il nous semble, à la lecture de ces travaux, qu’il reste d’utilité publique de ne pas renoncer à surveiller de près ce qui se produit autour. Il faut contraindre les exploitants à mesurer, modéliser, rendre compte des observations et prendre des mesures correctives le cas échéant. Il faut réfléchir sur la meilleure façon de répartir les éoliennes, augmenter la taille des éoliennes permet d’augmenter la productivité et de facto la rentabilité, mais ce n’est pas forcément l’option la plus raisonnable. Les études montrent que la taille, la quantité et la distance aux éoliennes sont les facteurs prédictifs d’un plus grand impact (négatif) sur l’environnement. Quand on sait que certains producteurs proposent désormais des pales de plus de 150 mètres de diamètres, ce qui implique un dispositif presque aussi haut que la tour Eiffel, on est en droit d’espérer que les études d’impact et de suivi ne prennent pas seulement en compte le gain de productivité attendu.
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