Quelle est la plus précieuse richesse du désert ?

par | Juin 2, 2021 | Développement durable, Ecologie, Innovation | 0 commentaires

Les fans de Tintin et de géopolitique de la seconde moitié du vingtième siècle évoqueront sans doute l’or noir, qui fit et défit des frontières et des empires. Les poètes soupireront après les extases mystiques suscitées par la contemplation de la voie lactée dans la splendeur frigorifiée des nuits du Kalahari. Les sages et les habitants de ces contrées arides vous souffleront, bien sûr, qu’il s’agit de l’eau.

Cette eau, paradoxalement, le Sahara n’en manque pas. Le dernier numéro des Dossiers Thématiques du CSFD (Comité Scientifique Français de la Désertification) consacré aux « ressources en eau profonde du Sahara et de ses confins arides ou semi-arides » montre  que ses couches géologiques les plus profondes regorgent d’une eau douce stockée depuis des millénaires. Le Sahara abriterait, selon les auteurs de ce dossier, les plus grandes réserves d’eau douce liquide dans le monde. Avouez que cela peut surprendre !

Pourquoi le Sahara ne manque pas d’eau ? Parce qu’à une période très reculée de la vie de notre planète, il a été, des peintures rupestres en attestent, un espace verdoyant, fertile et riche en eaux, avec des régimes de précipitations régulières et soutenues. Du fait de la structure géologique très particulière de ces régions, l’eau s’est trouvée emprisonnée dans le sous-sol dans d’immenses réservoirs sédimentaires, d’où elle s’écoule parfois sous forme de sources. Mais cette eau n’est pas renouvelable, car les réservoirs naturels ne sont pas réalimentés, les précipitations du Sahara étant très faibles. Si les pays riverains ne veulent pas épuiser la ressource, il leur faut la gérer avec parcimonie.

Les habitants historiques de ces contrées, ont appris à la gérer parcimonieusement. Des travaux comme ceux de l’anthropologue Vincent Battesti, ou de la géographe Gwénaëlle Janty nous montrent avec précisions les mécanismes qui ont régi l’attribution des droits à la précieuse ressource, des droits coutumiers, édictés selon des règles non écrites. La gestion de l’eau à elle seule, dans ces sociétés racontent l’histoire de ces communautés humaines. Suivre le chemin de l’eau et les différents canaux, bassins, et retenues qu’elle emprunte dans un environnement géographique marqué par le risque de la pénurie, c’est remonter à l’histoire de la société.

Les sociétés humaines, sont changeantes. La migration de certains habitants ou l’extension des oasis peut mettre en danger le fragile équilibre sur lequel ces dernières se sont construites. Dans le premier cas, les règles non écrites perdent ceux qui les connaissaient ou les perpétuaient, dans le second cas, il y a un danger d’épuisement (au sens littéral) de la ressource. Par ailleurs des installations humaines nouvelles à proximité, que ce soit pour intensifier l’exploitation agricole, exploiter des gisements d’hydrocarbures, ou profiter de la manne touristique peuvent jouer sur les niveaux de réserve en eau. Les différents organismes qui s’intéressent à la gestion de la ressource hydologiques des pays de cette zone géographique, ont produit, depuis que la gestion de l’eau est inscrite dans les objectifs de développement durable, un certain nombre de modèles dont l’objectif est d’en promouvoir une utilisation équitable et raisonnable.

Les technologies les plus récentes peuvent aider à affiner les modèles et concevoir des pistes de développement durable plus efficaces. Les premières ont trait à la précision de la mesure des précipitations, les autres, à la distribution et au retraitement de l’eau.

Dans un premier temps elles permettent une mesure au plus juste les quantités de précipitations, puisqu’une utilisation durable des couches fossiles implique de ne pas prélever trop. Il faut également mesurer les prélèvements dans la nappe phréatique fossile afin de vérifier qu’ils n’excèdent pas la ressource. Les mesures prises depuis l’espace par la mission satellitaire GRACE, une opération conjointe de la NASA et du centre aérospatial allemand, ont pu montrer que l’hypothèse d’une eau essentiellement fossile était inexacte, les faibles précipitations rechargent partiellement les aquifères. Cependant, elle confirme que cette recharge n’est pas suffisante au regard des besoins croissants en eau dûs à l’évolution des modes de vie et à la pression démographique. Ce qui incite à une meilleure gestion des ressources.

C’est le but de dispositifs sophistiqués à mettre en place pour mesurer l’eau distribuée, et récompenser les utilisateurs les plus économes. Pour les endroits les plus reculés, on peut imaginer que toutes les têtes de puits soient répertoriées, que les débits d’eau soient relevés quotidiennement par satellite et que la richesse ainsi constatée soit vendue aux usagers afin de les inciter à l’utiliser au mieux et donc à la retraiter. 

Enfin, il faut retraiter l’eau. Ce n’est pas nouveau, mais des techniques de plus en plus pointues sont disponibles surtout si l’on dispose d’une énergie bon marché. Et justement, celle-ci est abondante dans les déserts où l’on peut utiliser le soleil avec des cellules photovoltaïques et le vent avec des éoliennes.

A titre d’exemple, prenons l’hypothèse de précipitations de quelques millimètres par an sur l’étendue du Sahara. Un millimètre de précipitations sur 1000 km2 chaque année représente un million de m3 d’eau par an, soit 3000 m3 par jour. La consommation moyenne d’un français est de 150 litres par jour (et excède largement la consommation moyenne d’un habitant des zones arides). Avec 3000 m3 par jour, on pourrait alimenter 20 000 personnes. En mettant à disposition les technologies de traitement de la station spatiale internationale, on pourrait faire vivre près de 1000 000 personnes. La technique permet de diviser par 50 la consommation d’eau.

A rebours des discours misérabilistes, les déserts sont donc des réservoirs de potentialités, qu’en-pensez-vous ?

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