La low-tech solution au réchauffement climatique ?

par | Nov 17, 2022 | Développement durable, Ecologie, Energie renouvelable, Innovation, Science | 1 commentaire

Et si la haute intensité technologique n’était pas la solution au défi du réchauffement climatique, et plus globalement du dépassement des limites de la planète, dont le réchauffement est une des conséquences ? Loin des solutions grandioses, une petite musique se fait entendre. Small is beautiful. La survie du monde ne serait pas le fait d’innovations à grande échelle, fruit de milliards d’investissement en recherche, qui exigent, en retour, une production massive, un passage à l’échelle, autant de cash-flow, et de retour sur investissement. La solution pourrait résider dans des low-techs, des techniques de basse intensité, utilisables par tout-un-chacun, avec des éléments disponibles sur étagère. 

Les publications dans ce sens se multiplient. A l’ADEME, un groupe de travail a rédigé en avril 2022, un rapport faisant un tour d’horizon du sujet. La réflexion sur la low-tech est inscrite dans l’un des scénarii de Transition 2050. Il existe plusieurs associations de promotion de la low-tech : le low-tech Lab, Low-tech Nation, Où sont les Dragons ? Ce qui caractérise les low-techs, un rassemblement d’acteurs et de solutions très hétérogènes, c’est l’accent mis sur l’accessibilité, la durabilité, et l’utilité. L’idée est d’utiliser les éléments disponibles à proximité plutôt que d’innover à tout prix en allant chercher des solutions à l’autre bout de la planète. Sobriété et discernement sont à la base des démarches low-tech. Préserver la planète, c’est se recentrer sur une nécessaire sobriété, pour éviter de dépasser des limites planétaires, et le faire de manière équitable. « Démarche d’innovation sous contrainte environnementale », la low-tech souhaite « transformer le système en diminuant son intensité et sa complexité technologique », « désaliéner l’humain », « limiter les externalités environnementales » et « favoriser la résilience collective ».

A l’heure où les promesses des « cités intelligentes » commencent à se fissurer, que celles des green-tech sont surestimées, et alors que l’urgence climatique demande des actions concrètes, les low-techs seraient-elles la voie à privilégier ? L’exploration sur Internet donne un inventaire à la Prévert d’initiatives très éclectiques. Certains articles font penser au « manuel des castors juniors », comme les conseils pour monter un sympathique vélo d’appartement/générateur d’électricité couplable avec un panneau solaire, ou le retour à la bouillotte pour économiser le chauffage, ou encore les avantages de la toilette de chat. D’autres font froncer les sourcils en milieu urbain dense, notamment la suggestion de l’utilisation d’un four à pain solaire, ou de la conversion aux toilettes sèches. Obtenir la conversion d’un immeuble haussmanien aux toilettes sèches n’est sans doute pas une étape évidente à franchir, à moins d’en être propriétaire… 

N’empêche que, l’idée qu’on ne peut pas forcément tout résoudre par le progrès technologique n’est pas nouvelle, et elle n’est pas à déconsidérer, pour un certain nombre de bonnes raisons. Cette idée est apparue dès les débuts de la révolution industrielle et a ressurgi dans les années 1970, suite aux différentes crises, notamment dans les écrits de l’économiste Ernst Friedrich Schumacher, et de penseurs comme Yvan Illich et Jacques Ellul, très critiques de l’idéologie techniciste. Déjà à cette époque, on pouvait remarquer que l’idéologie du progrès technique n’était pas si univoque qu’il n’y paraissait. La technologie a permis de grandes avancées, mais est également à l’origine de bouleversements, à l’échelle planétaire, qui compromettent la survie d’une partie de l’humanité, en rendant des pans entiers de notre terre de moins en moins habitables. 

La crise énergétique engendrée par la guerre en Ukraine nous rappelle la fragilité d’un modèle basé sur la croissance et l’expansion. Les mastodontes créés par l’abondance de capitaux et la dérégulation sont trop gros pour faire faillite, et trop gros pour se réformer. Quelle issue reste-t-il ? Quels sont les choix technologiques à faire ? Faut-il tout de même aller vers plus de high-tech, de dépendance à des matières premières rares, chères et parfois difficiles à sourcer ? Faut-il tout miser sur les grid et l’intelligence artificielle, ou ne peut-on envisager des solutions mixtes, permettant de s’appuyer sur des ressources locales, de proximité ? Ralentir pour accélérer la mutation vers une planète (enfin) durable? 

La proposition des high-techs est de trouver des solutions applicables à grande échelle indépendamment des contextes locaux. Celles-ci attirent facilement des capitaux car leur impact est plus facilement concevable. La base des low-techs est d’ancrer des solutions sobres et peu coûteuses dans la dimension locale. Penser les low-techs c’est ouvrir les possibilités de penser différemment le fonctionnement de notre monde, de sortir de ce que certains observateurs appellent des « sentiers de dépendance » qui viennent avec notre système high-tech, développé sur l’hypothèse de ressources, et de capitaux, inépuisables. 

Les observateurs taquins n’hésitent pas à dénigrer ce qui apparaît comme un ensemble hétéroclite de propositions. Pour autant, ce ne sont pas les techniques elles-même qui sont déterminantes, mais plutôt la mise en place d’ écosystèmes compatibles avec les capacités et les modes de vie des personnes. 

Les pays en voie de développement pourraient bien être une source d’inspiration. Ils ont un temps d’avance sur nous. A moins qu’on ne leur impose des modèles de gigantisme censés résoudre les problèmes par la masse, plutôt que de laisser un nouveau modèle trouver sa place. On a vu, dans d’autres billets de ce blog, que l’extension de l’urbanisation pour accueillir des populations rurales n’était pas la panacée. Les grandes infrastructures, comme tous les grands projets, nécessitent des planifications pluri-annuelles, et des financements importants, indisponibles en période de crise. En Afrique, la problématique de l’électrification des zones rurales par extension du réseau central, a montré son inefficacité dans les décennies qui ont suivi les indépendances. L’arrivée de solutions décentralisées à coût réduit, avec la baisse des prix des panneaux photovoltaïques, les ampoules basse consommation, et les solutions de financement et de prépayement via le téléphone mobile a plus fait pour l’accès à l’énergie des familles rurales que les grands projets étatiques.

Pour modestes qu’ils soient, ils n’en améliorent pas moins la vie quotidienne des familles. En résolvant, plus rapidement qu’un hypothétique réseau national, la question de l’approvisionnement en énergie, ils libèrent les individus de ces contraintes, et leur permettent de se consacrer à d’autres occupations, d’améliorer la productivité de leurs tâches quotidiennes, et à développer une économie locale traditionnellement marquée par la sobriété.

Cet exemple permet d’ailleurs de montrer que low-tech et high-tech ne sont pas incompatibles. Les high-techs , on le voit, permettent de rendre accessibles au plus grand nombre les bienfaits de l’électricité, catalyseur de développement. Mais, soulignent les promoteurs des low-techs il faut cependant se garder d’une trop grande dépendance, et réserver les high-techs aux secteurs dans lesquels elles sont indispensables (ex : la santé) et pour lesquelles la balance bénéfice/risque pour l’environnement est favorable. 

1 Commentaire

  1. Châu

    Bien vu ! la France est la championne du système D… low tech en avant !

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