L’effet d’albédo, un allié dans la lutte contre le réchauffement climatique ?

par | Jan 20, 2023 | Développement durable, Ecologie, Géographie, Histoire, Innovation, Science, Urbanisme | 0 commentaires

On a tous dans le cœur l’une de ces villes blanches des bords de la mer Egée ou de la Méditerranée. Mais ce n’est pas sans doute pas cela qu’avait en tête l’ancien secrétaire général des nations unies Ban Ki-moon en 2019, quand il suggéra que toutes les villes du monde repeignent leurs toits en blanc pour atténuer les effets du réchauffement climatique. Lubie ou bonne idée ? Les architectures vernaculaires d’Europe du sud ou d’Afrique du Nord intègrent, dans leurs techniques de construction, des murs et des toits aux teintes claires, voire blanches, garantissant des températures supportables aux habitants des maisons. Depuis des lustres elles utilisent, sans le savoir, l’effet d’albédo, une propriété physique, décrite au dix-huitième siècle, par des savants travaillant sur la réfraction de la lumière et de la chaleur à la surface de la terre.

Qu’est-ce que l’albédo ? En quoi est-il utile dans la lutte contre le réchauffement climatique ? Concerne-t-il seulement les zones urbaines ?

L’effet d’albédo, qui aurait été théorisé par le mathématicien mulhousien Jean-Henri Lambert, exprime dans un ratio allant de 0 à 1 le pouvoir réfléchissant d’une surface. La valeur 0 correspond à une surface noire qui absorbe totalement le rayonnement solaire et donc contribue au réchauffement de la surface, et la valeur 1 à une surface blanche qui renvoie 100% du rayonnement. L’albédo terrestre a donc un effet direct sur les échanges de chaleur au niveau de la surface terrestre. L’albédo au niveau des pôles est proche de 1, en revanche il est en moyenne de 0,3 pour toute la surface du globe, et varie selon les natures et les occupations des sols.

On entend beaucoup parler de la prise en compte de l’albédo pour faire baisser la température urbaine lors des épisodes de chaleur. Les techniques de construction, alors que la terre a connu une urbanisation accrue depuis la seconde moitié du vingtième siècle, sont responsables d’une part importante des émissions de gaz à effet de serre (GES). Les villes empiètent sur les terrains naturels ou agricoles et contribuent à l’imperméabilisation des sols. Elles ont des albédos faibles, de l’ordre de 0,15 ou 0,2. 80 % des rayonnements solaires y sont absorbés (ADEME). En cas de fortes chaleurs, les températures augmentent à la surface du sol où l’air chaud stagne, créant des îlots de chaleur, étouffant les citadins. Appliquer un revêtement à albédo élevé sur les sols, les murs ou les toits de bâtiments permet de renvoyer le rayonnement solaire et éviter le réchauffement de surface. Si de nouveaux revêtements extrêmement réfléchissants ont été mis au point par des industriels pour maximiser le pouvoir réfléchissant de l’énergie solaire, la chaux ou la peinture blanche basique sont des options bon marché ayant prouvé leur efficacité, en faisant une technique abordable pour tous.

La fréquence accrue d’épisodes de fortes chaleurs de plus en plus longs, rend nécessaire de trouver d’autres parades que le recours à une climatisation qui contribue à relâcher des GES dans l’atmosphère. Des villes indiennes comme Ahmedabad dans l’état du Gujarat, chinoises comme Hong Kong, états-uniennes comme Los Angeles et New-York, utilisant l’effet d’albédo, ont fait peindre certains de leurs toits en blanc pour faire baisser la température et diminuer les besoins en climatisation. Selon les endroits, le gain en confort thermique a été suffisamment important pour que les expériences soient étendues.

Un changement dans l’occupation des sols, qu’il soit lié au réchauffement climatique comme la fonte de la banquise et la remontée vers le nord de la limite des forêts arctiques peut modifier leur capacité à stocker ou à réfléchir l’énergie provenant du soleil. Les surfaces claires renvoient l’énergie solaire et évitent le réchauffement de surface. Toutes les surfaces terrestres ont un coefficient d’albédo différent qui doit être pris en compte, non seulement au niveau des agglomérations urbaines, mais aussi dans les espaces agricoles ou « naturels ». La fonte des glaciers et la disparition de la banquise, aux albédos proches de 1, diminuent d’autant l’énergie renvoyée.     

Les réflexions sur l’albédo ne concernent pas uniquement les zones urbaines.  C’est un facteur également pris en compte dans l’aménagement des surfaces agricoles, dans les pratiques sylvicoles et la gestion des espaces naturels. Si médiatique que soit la plantation de millions d’arbres, un certain nombre de paramètres doivent être considérés, dont l’effet d’albédo, pour choisir les zones à reboiser, et le type d’espèces à implanter. Les résineux persistants, très populaires dans l’hémisphère nord, ont un albédo moins élevé que des bouleaux, arbres caduques aux feuilles plus claires. Les prairies vertes ont un albédo plus élevé que les forêts, ou les cultures qui laissent la terre nue pendant une partie de l’année. A l’inverse, couvrir des centaines d’hectares de surface dunaire de panneaux photovoltaïques avec un faible albédo, comporte un risque de participer au réchauffement de la surface des déserts sableux. C’est donc un paramètre à intégrer systématiquement lorsqu’on réfléchit à l’occupation des sols.

L’albédo de surface de la terre diminue globalement, avec la régression des pôles et des glaciers, parce qu’il y a moins de nuages bas, notamment au niveau du Pacifique, enserrant la terre et renvoyant l’énergie solaire. Les observateurs attentifs de la terre ont noté que les images satellites les plus récentes brillaient moins depuis quelques années. La peinture des toits des agglomérations urbaines, ou plantation de forêts aux feuillages clairs ne suffiront pas, à elles seules, à réduire suffisamment la hausse des températures. Des suédois, promoteurs de la géoingénieurie, avec des chercheurs de l’université d’Harvard avaient envisagé, dans le projet SCoPEx (Stratospferic Control Perturbation Experiment), de créer artificiellement au-dessus de la banquise au pôle nord, des nuages renvoyant les rayonnements solaires pour éviter que ceux-ci ne viennent réchauffer la surface de la glace et en accélérer la fonte. Le projet a suscité une levée de boucliers telle qu’il a été abandonné.

Si les techniques basées sur l’effet d’albédo n’est pas la solution cardinale au réchauffement climatique, elles font partie de la panoplie de pratiques qui peuvent contribuer à l’échelle locale à l’atténuation de ses effets.

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