Le gouvernement s’est décidé à lancer une consultation sur un scénario de réchauffement à + 4 degrés. Cette consultation durera jusqu’à la fin de l’été. Parce que RLDH nous pensons qu’il est important de réfléchir à ce sujet, nous avons décidé, sur la même période de réfléchir à cette perspective. Dans quelle mesure cela change t’il la donne de devoir travailler avec cette hypothèse? Quelles sont les nouvelles pistes explorés, sont-elles différentes de celles envisagées précédemment? C’est ce que nous allons essayer de comprendre.
Lorsqu’en février 2023, Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires annonçait avoir résolu de faire plancher le comité interministériel d’adaptation au réchauffement climatique sur une hypothèse d’un réchauffement de + 4 degrés à l’horizon 2100, son discours a provoqué quelques remous. La liste des arguments concernant l’ajout de ce scénario à un scénario moyen de +2 degrés se divisait en deux :
Les arguments contre:
- Il faut se focaliser sur l’objectif des accords de Paris, une hausse de + 2 degrés devait primer; envisager un scénario pire pouvait être interprété comme une volonté de baisser les bras, et laisser filer l’horizon.
- Il y a un risque d’irréversibilité, de passage de points de basculement si on abandonne les + 2 degrés. Certains seuils seront franchis de façon irrémédiable. Une fois que la moitié de la forêt sera morte, il n’y aura pas de formule magique pour la réinitialiser: le bouton reset n’existe pas pour la planète terre.
- C’est moralement mettre en danger les générations futures et les populations les plus fragiles sur notre planète, plus impactées par les effets du dérèglement climatique
Les arguments pour :
- Les tendances actuelles en termes d’émissions de GES ne plaident pas pour une réalisation de l’objectif des accords de Partis : il n’y pas de réduction nette des GES,
- En France, si on regarde les données, on est déjà au-dessus des 2 degrés (voir infra)
- A + 4 degrés, les politiques d’atténuation du dérèglement climatique ne suffiront pas, il faudra trouver des mesures d’adaptation qui doivent être pensées bien en amont pour avoir une chance d’être efficaces
A vrai dire, depuis l’automne 2022, des signaux plaidaient pour que l’on révise un objectif inatteignable. « Le réchauffement climatique en France s’annonce pire que prévu » titrait, en octobre, un article de la revue du CNRS qui rendait compte de la parution des résultats d’une recherche dans la revue scientifique Earth Systems Dynamics. Renseignant les modèles du GIEC avec les données constatées localement, les équipes de Météo France, du CNRS et du Centre Européen de recherche et de formation avancée en calcul scientifique, les ont affinés au niveau régional, et ont conclu que le climat du territoire métropolitain se réchauffe plus intensément que la moyenne mondiale. Compte-tenu des trajectoires actuelles d’émissions de gaz à effet de serre, la probabilité qu’on atteigne en 2100 un réchauffement de + 4 degrés par rapport à l’époque préindustrielle était beaucoup plus forte qu’une trajectoire à + 2 degrés.
Le CNTE, (comité national pour la transition énergétique) dans son avis rendu début mai, a entériné ce constat et « propose de retenir, pour la trajectoire d’adaptation au changement climatique l’hypothèse générale d’un réchauffement global de 3°C d’ici la fin du siècle, croisant 1,5°C en 2030 et 2°C en 2050 », ce qui signifierait, pour l’hexagone, un réchauffement de 4°, puisque, selon les données actuelles, la France métropolitaine se réchauffe plus que la moyenne mondiale. Les trajectoires d’adaptation des activités susceptibles d’être le plus affectées doivent être définies par rapport à ce niveau de réchauffement de référence, et les politiques publiques étalonnées à ce niveau.
C’est une bonne et une mauvaise nouvelle. La mauvaise nouvelle, c’est que notre monde va connaître des épisodes de catastrophes climatiques plus fréquents et intenses. Incendies, inondations, ouragans, tornades vont continuer à monopoliser les chaînes d’information. La bonne nouvelle, c’est qu’avec des prévisions à + 4 degrés, on ne peut pas être dans la demi-mesure. Il va falloir réagir. Les prévisions d’impact d’un réchauffement à + 4 degrés sont effrayantes, en termes de fonte et disparition des glaciers, d’élévation du niveau de la mer, d’acidification des océans, de perte de souveraineté alimentaire, de manque d’eau, de risques intensifiés d’incendies et d’évènements climatiques extrêmes. Les sols perdent en humidité, les forêts meurent ou brûlent, les cours d’eau sont à sec une partie de l’été, les infrastructures subissent des dommages majeurs… Certaines régions connaîtront, lors des mois les plus chauds, les conditions climatiques des zones désertiques.
Chez RLDH, nous avons décidé de prendre au sérieux cette hypothèse et de commencer une série d’articles et d’interviews où nous interrogerons des représentants des secteurs les plus impactés par la menace de réchauffement à + 4 degrés, les plus impactants dans la lutte pour la réduction de GES, et les acteurs, individuels ou collectifs, cherchant à proposer des solutions pour adapter nos sociétés à la catastrophe annoncée. Comment leurs organisations ou communautés font-elles face à la menace d’intensification des catastrophes et à la nouvelle donne qu’entraîne le dérèglement climatique et l’impératif de faire baisser drastiquement les GES, mais aussi à construire une résilience dans le temps? Dans quelle mesure leurs solutions intègrent-elles la nouvelle hypothèse de + 4 degrés, est-ce que cela change quelque chose?
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