Si par une nuit d’hiver, un groupe d’étoiles…

par | Déc 27, 2022 | Espace, Géographie, Imagerie satellite, Innovation, Science, Transport | 0 commentaires

C’est la saison où petits et grands scrutent le ciel à la recherche, selon leur credo, du traineau d’un vieux bonhomme rempli de cadeaux, tiré par des paires de rennes dont certains ont peut-être abusé de l’aqvavit, ou de l’étoile du Berger qui les attirera imperceptiblement vers l’étable d’un nouveau-né, porteur d’une bonne nouvelle. Par temps clair, et s’il ne fait pas trop froid, à défaut de la Voie Lactée, de plus en plus difficile à discerner à cause de la pollution lumineuse, le ciel leur laissera sans doute l’occasion de constater des lumières très intenses qui se suivent à courte distance, signature visuelle des satellites en orbite basse qui ont, ces dernières années, pris d’assaut l’atmosphère pour permettre de couvrir les besoins en connectivité Internet des zones désertiques. Le train le plus récent de Starlink, la compagnie d’Elon Musk, la plus avancée sur ce sujet, a été lancé le 18 décembre de Cap Canaveral en Floride, via une fusée Falcon 9.

Il est désormais acté, que les terriens du vingt-et-unième siècle doivent être connectés à l’Internet, même ceux vivant à mille miles de toute terre habitée… Les géants du secteur numérique l’ont compris, qui ont cherché à combler les zones « blanches » terrestres en proposant des solutions plus ou moins fantasques. Au prétexte que plus de la moitié de l’humanité n’avait pas accès au net et aux incroyables possibilités que celui-ci peut fournir à homo economicus, Alphabet, maison mère de Google, avait ouvert le bal des initiatives en 2013 avec Loon, des ballons stratosphériques gonflés à l’hélium, censés connecter les endroits les plus reculés de la terre. Après huit années d’essais infructueux, Alphabet a jeté l’éponge en 2021. Mark Zuckerberg projetait, lui, via sa filiale Connectivity de lancer un réseau de satellites qui n’a jamais vraiment décollé.

Kuiper, fondée par Jeff Bezos a reçu en 2020 l’autorisation de déployer 3236 satellites, pour créer sa propre constellation. L’objectif est de connecter les zones non atteignables par la fibre optique et de permettre une connectivité avec une bande passante qui autorise des usages les plus pointus d’Internet où que l’on soit sur le globe. Et créer plus de clients pour les filiales des grands groupes. Des flottes de navires, d’avions et de camions et de voitures individuelles sont désormais équipés de systèmes de navigation par satellites.

Starlink, la compagnie d’Elon Musk, dont la première génération de satellites a été déployée en orbite basse à partir de 2019 compte à la fois le réseau le plus fourni et le plus opérationnel (plus de 3300 à l’heure actuelle). Ses interventions pour garantir l’accès au net à l’Ukraine assiégée et aux foules d’Iran en révolte contre les mollahs prouvent que Starlink est désormais un leader sur l’offre d’Internet par satellite. La société a obtenu des autorités américaines l’autorisation de déployer 7500 satellites de seconde génération à partir de fin 2022.

La connectivité des déserts – et pas seulement des déserts arides – est une des raisons de l’engouement pour ces réseaux de petits satellites circulant à des altitudes entre 300 et 800 kilomètres. Une partie du territoire états-unien, non accessible à la fibre optique, est connectée par les satellites de Starlink. Pour autant, ce qui est présenté comme une grande avancée technologique ne va pas sans inconvénients.

La relative accessibilité de ces dispositifs, leur prix ayant drastiquement baissé, met la création d’une constellation à la portée d’un plus grand nombre d’Etats, qui, au nom de leur indépendance stratégique, auront beau jeu d’exiger leur part des orbites basses. Le traité de l’espace rédigé dans les années 1960 n’offre pas de cadre assez contraignant.  Les satellites ont des durées de vie limitées, inférieures à dix ans. Ils risquent d’augmenter le nombre de débris, déjà considérable, qui encombre l’espace. Les constructeurs ont pour contrainte d’intégrer dans le programme de leurs engins la rentrée et la désintégration dans l’atmosphère, mais ces programmes ne sont pas infaillibles. La multiplication des constellations de satellite augmente les risques de collision et d’accidents entre les différents engins en orbite.

Ces nouvelles sources lumineuses polluent considérablement les observations spatiales, avec des interférences qui obstruent les images produites par les télescopes ultrasensibles des observatoires terrestres en réfléchissant. Auparavant, les déserts, et notamment les endroits les plus élevés, servaient de points d’observation privilégiés des étoiles, aujourd’hui, ils sont le prétexte à l’introduction de points lumineux supplémentaires dans le ciel étoilé, qui irritent les astronomes.

Nos enfants et petits-enfants n’auront-ils plus que le loisir d’observer les constellations d’étoiles artificielles ? Saint-Exupéry doit se retourner dans sa tombe…

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *