Novembre, vous le savez si vous êtes un lecteur ou une lectrice fidèle de RLDH, c’est le mois des COP (Conference Of Parties). La COP 18 sur la biodiversité s’est refermée à Cali, en Colombie, sur un constat en demi-teinte, une reconnaissance de l’importance des peuples autochtones dans la sauvegarde de la nature, mais pas d’engagement ferme sur le fond pour enrayer l’extinction d’un certain nombre d’espèces du fait de la pression continue exercée par l’humanité sur son environnement terrestre. L’objectif de protéger 30% des terres et des mers à l’horizon 2030 s’éloigne. La COP 29 sur le climat, qui va s’ouvrir le 11 novembre à Bakou en Azerbaïdjan, ne suscite que des espoirs mesurés. Et cela pour plusieurs raisons. L’annonce de la partie organisatrice, l’an dernier à Dubaï avait soulevé quelques doutes.
Depuis les accords de Paris, il est acté que la fin des énergies fossiles est l’un des facteurs majeurs permettant de respecter l’objectif de zéro émission nette de gaz à effet de serre à l’horizon 2050. L’organisation de la conférence annuelle par un pays dont plus de 60% des revenus de l’Etat proviennent du secteur pétrolier paraissait donc une gageure. Il y avait peu de chance que la partie organisatrice propose une piste de rupture véritablement innovante pour rester dans les objectifs des accords de Paris. Durant l’année qui a suivi la COP 28 de Dubaï, les doutes n’ont fait que croître. Le site Climate Action Tracker, qui évalue la compatibilité des politiques des pays avec les objectifs des accords de Paris, vient de publier ses conclusions sur ce pays, et lui délivre une mention de « critically insufficient ». Le pays a abandonné tout horizon pour zéro émission nette de gaz à effet de serre, et ses émissions de GES devraient croître de 20% d’ici à 2030, avec une production de gaz naturel- dont le principal client est l’union européenne – qui devraient augmenter de 30% sur la même période.
Avant même que les résultats des élections américaines n’enfoncent un clou supplémentaire dans le cercueil des illusions des défenseurs de l’accord de Paris, certains pays ont commencé à marquer leur scepticisme quant à l’utilité de cette conférence. La Nouvelle Guinée a annoncé la semaine dernière qu’elle ne participerait pas à ce rassemblement annuel, ne voyant pas l’intérêt d’envoyer sa délégation aussi loin pour rien. Les petits états insulaires, dont elle se fait la porte-parole, perdent 1% de leur PIB annuel du fait du réchauffement climatique, sont directement menacés par la montée des eaux, et se sentent peu ou pas pris en compte dans ces conférences internationales.
Par ailleurs, comme le montre une intéressante série d’articles dans le journal Le Monde ces jours-ci, une grande partie des pays disposant de réserves d’énergies fossiles n’envisage pas de les laisser dans le sol – tout le monde n’est pas la Colombie ou l’Equateur – Dans cette série, intitulée « l’Afrique, toujours accro aux hydrocarbures », les journalistes montrent comment des pays détenteurs de grandes quantités exploitables de pétrole et de gaz, tablent sur leur exploitation pour soutenir leur développement économique. Si sur le principe, l’idée d’épargner aux pays en voie de développement le passage par les énergies fossiles en investissant directement sur les renouvelables paraît de bon sens, elle se heurte à des impératifs économiques immédiats. Les énergies fossiles sont encore les plus rentables, et attirent plus facilement les financements que les versions renouvelables. Sur ce continent où la pénurie et le coût de l’énergie sont des réalités quotidiennes, la perspective de pouvoir extraire et vendre des hydrocarbures encore très demandés, pèse plus lourd que la réalisation d’objectifs d’émissions de gaz à effet de serre dont les habitants de ces pays ne sont pas historiquement les plus gros responsables.
Au Sénégal et à la Mauritanie, qui commencent l’exploitation de gisements de gaz et de pétrole en mer, vont venir s’ajouter la Côte d’Ivoire, le Ghana, et bientôt la Namibie que des dirigeants pétroliers n’hésitent pas à qualifier de « nouveau Guyana« , du nom de ce petit état amazonien qui connaît une croissance sans précédent de son PIB grâce à ses gisements off-shore. Comment reprocher à des pays avec une population jeune, dont une partie importante vit sous le seuil de pauvreté, de vouloir, grâce à la manne pétro-gazière d’offrir un autre avenir pour ses jeunes que d’embarquer sur des pirogues surchargées en direction d’une Europe qui n’en veut pas?
Le coup de grâce a été donné avec l’élection de Donald Trump, climatosceptique notoire, grand pourfendeur des accords de Paris, dont il a promis que son pays se désengagerait. Les désistements de responsables politiques de premier plan des pays du nord ont commencé à affluer. Après Ursula Von der Leyen, qui a annoncé être retenue à Bruxelles, Joe Biden, Emmanuel Macron, Luiz Inacio Lula Da Silva, ainsi que les responsables politiques chinois, africains du sud, australiens, et japonais ont annoncé qu’ils ne feraient pas le déplacement. Un bien mauvais signe envoyé au monde, alors que l’année 2024 s’annonce comme une année record pour ce qui est des températures enregistrées, que les événements climatiques extrêmes et leur lot de catastrophes se multiplient comme on a pu le constater récemment avec les inondations dans la région de Valence, et que le monde semble se fracturer quand il devrait se rassembler pour affronter ce défi global.
Comme le disait Kamala Harris pour consoler ses supporters : « c’est dans la nuit la plus sombre que l’on peut voir le plus d’étoiles » (enfin s’il n’y a pas de nuages- NDLR) , le naufrage probable de cette COP 29 donnera, on l’espère, la possibilité de réfléchir à la façon la plus efficace de coordonner les efforts vers ce qui devrait être un but universel : protéger l’humanité des périls dans lesquels nous plonge le réchauffement climatique.
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