Préserver le couvert glacier des pôles, maintenir leur rôle dans la préservation de la biodiversité sur la planète voilà le type de préoccupation des équipes de scientifiques que j’avais envie d’évoquer aujourd »hui. Selon le New Scientist, une start-up britannique serait sur le point de proposer une solution qui pourrait, à moyen terme, freiner la fonte de la calotte polaire actique. La fonte des calottes glaciaires est en effet un des premiers points de basculement climatique. Préserver la glace des pôles, c’est donc s’offrir du répit avant un chamgement irréversible, parce que cette glace renvoie particulièrement bien le rayonnement solaire, et tient un rôle majeur dans le refroidissement des océans. Les prévisions les plus pessimistes annoncent que lors de la prochaine décennie, la banquise du pôle nord pourrait complètement disparaître pendant la période estivale, posant un problème de survie pour des espèces comme les emblématiques ours polaires, dérangeant les écosystèmes fragiles en permettant l’invasion de plantes qui n’y poussaient pas apparemment, mais aussi en favorisant l’absorption des rayonnements solaires dans l’océan, et participant donc au réchauffement global.
Aider en hiver la glace à se reformer sur la banquise, de façon à ce que la masse soit suffisante pour ne pas fondre entièrement à la belle saison, pourrait avoir du sens. L’idée avait été lancée en 2016 par l’équipe de Steven Desh de l’université d’état de l’Arizona. Selon leurs hypothèses, aider 10% de la banquise à se reformer pourrait aider à enclencher un mouvement de reglaciation de la région qui annihilerait les pertes déjà constatée. Il suffit, pendant l’hiver, de pomper, dans l’océan en dessous de la banquise de l’eau et de verser celle-ci sur la couche de neige recouvrant la glace. L’eau s’insinue donc dans la couche de neige et se fige au contact de l’air froid augmentant donc l’épaisseur de la couche de glace, et sa résistance à la fonte.
Une équipe britannique vient de publier les résultats des premiers tests qui montrent que c’est non seulement faisable, mais également efficace sur une petite échelle. La société Real Ice a en effet procédé à un test dans la Baie de Cambridge, sur Victoria Island au Canada. Elle a comparé une zone où a été foré un trou permettant de déverser de l’eau sur la glace et une zone de contrôle. Entre janvier et mai, Real Ice a obtenu un renforcement de 50 cm de glace sur la partie supérieure de la banquise, et a eu la bonne surprise de constater que la face immergée du glacier bénéficiait également d’un épaississement de 25 cm. C’est à dire que la partie d’eau de mer ne gelant pas sur la face extérieure, finit par retourner dans l’eau et se figer sur la face interne. Ce qui est plutôt une bonne nouvelle non?
Tempérons notre enthousiasme. Il y a quand même des trous dans la raquette, comme on dit au Groenland. Une solution existe, mais comment la déployer à une échelle suffisante pour qu’elle ait un impact satisfaisant? Arroser une surface équivalente à un terrain de football ce n’est pas une tâche herculéenne. En revanche, arroser une partie la banquise arctique, sur des milliers de kilomètres carrés, c’est une autre paire de manches. Real Ice a abandonné la proposition de Desh et al, d’installer des éoliennes partout sur la banquises pour extraire l’eau et la déverser sur la neige (comme les systèmes d’irrigations anciens dans une partie de l’Afrique). Elle table sur des drones qui navigueraient sous la glace, la perforeraient par endroit pour procéder à la reglaciation. Ces drones sont en développement, et devraient être testés lors de l’hiver 2025-2026. Mais chaque drone ne couvrirait que 2 kilomètres carrés par hiver, d’où un problème mathématique! Pour un million de kilomètres carrés à recouvrir, cela nécessite donc 500 000 drones… dont on n’a pas le premier… et dont on ne sait pas quel type d’énergie il devra mobiliser, sans parler d’un coût prohibitif si l’on demande aux Inuit de le financer sur leurs économies!
Par ailleurs, les critiques, qui ne sont pas à ignorer, pointent que cela risque de détourner l’attention sur le seul objectif qui vaille : diminuer drastiquement les émissions mondiales de gaz à effet de serre. Par ailleurs supprimer la couche de neige au-dessus de la glace pourrait compromettre les nichées des animaux qui élèvent leurs petits dans des tanières sous la neige, comme les ours polaires et les phoques… Ces arguments ne refroidissent pas Real Ice qui a décidé pour l’hiver 2024-2025, de confirmer son succès en lançant l’expérience sur 1 kilomètre carré avec 5 forages…
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